TRANSFORMATION PUBLIQUE
Innovation: l’État peine à trouver de nouveaux projets à financer
À l’approche de l’examen du budget pour 2023, la direction interministérielle de la transformation publique lance un nouvel appel à candidatures auprès des administrations pour qu’elles déposent des projets au Fonds pour la transformation de l’action publique. Moins de la moitié de l’enveloppe de 80 millions d’euros débloquée pour 2022 a été allouée.
Le Fonds pour la transformation publique aurait-il perdu de son attrait ? Depuis le mois de juillet, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) met un coup d’accélérateur à sa communication pour trouver des projets de modernisation à financer.
Le Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) a été créé en 2017 pour financer la modernisation des administrations, essentiellement grâce au numérique. Plus d’une centaine de projets ont déjà été sélectionnés et financés, pour un peu moins de 700 millions d’euros. De la plate-forme des données géographiques de l’IGN à la détection automatisée de la fraude fiscale de la direction générale des finances publiques, en passant par le code du travail numérique ou l’identité numérique du ministère de l’Intérieur, tous ont bénéficié du FTAP.
“Concurrence” de la Dinum
Alors que 850 millions d’euros d’économies sont attendues après la réalisation de ces divers projets, la DITP a reçu une rallonge pour soutenir de nouveaux projets sur l’année 2022 : 80 millions d’euros très exactement. Mais, alors que la fin de l’année approche, les candidats ne semblent pas se bousculer au portillon.
Au point que la DITP a renouvelé ses appels à candidatures ces trois derniers mois, au moment même où les négociations sur le budget 2023 battaient leur plein.
À ce jour, 32 million ont été distribués cette année à 10 projets, mais plusieurs dossiers font actuellement l’objet de discussions, pour un montant de 12 million d’euros. Reste donc à écouler, en moins de quatre mois, au moins la moitié de l’enveloppe débloquée pour 2022. Le FTAP subit notamment la concurrence de nouveaux fonds créés pour et gérés par la DSI de l’État, la direction interministérielle du numérique. “Plutôt que de faire évoluer le FTAP, le plan de relance a donné naissance au fonds innovation géré par la Dinum et divisé en de multiples appels à projets, relatait. On se retrouve donc avec une explosion des sources de financement et de fonds concurrents.”
Fonds pour la transformation de l’action publique : la performance budgétaire dans le viseur
Mais pour la DITP, cette situation est avant tout le résultat d’un changement d’approche, avec un examen plus attentif des dossiers au fil de l’eau depuis le début de l’année. “Le FTAP suscite toujours un intérêt appuyé de la part des ministères et des opérateurs qui, au fur et à mesure des dossiers déposés, acquièrent une meilleure appréciation des critères de sélection et ciblent davantage les dossiers déposés”, souligne-t-elle auprès d’Acteurs publics.
Nouveau format
Pour 2022, le mode de candidatures a donc été remis à plat. Exit les appels à projets, souvent lourds et chronophages tant pour les candidats que pour les instructeurs, la DITP mise désormais sur un examen des dossiers au fil de l’eau. Plutôt que des sessions d’appels à projets dans des délais contraints, et pour acter ce changement d’approche, 2 guichets ont été ouverts en juillet : un guichet national de 75 millions d’euros pour continuer de soutenir les grands projets des ministères et opérateurs, et un guichet au bénéfice des administrations déconcentrées, doté de 5 millions d’euros.
“L’organisation d’un guichet au fil de l’eau présente l’avantage de pouvoir davantage analyser les dossiers au fur et à mesure de leur réception et ainsi de raccourcir les délais de réponse aux porteurs de projets - que la réponse soit positive ou négative, explique la DITP. Elle permet également aux administrations de mûrir leurs projets le temps nécessaire et garantit ainsi une plus grande efficacité du FTAP.”
Entre amélioration et économies, le difficile équilibre de la transformation publique
Les critères d’éligibilité ont également été réajustés, avec un nouveau cahier des charges. Cette évolution s’inscrit dans un long mouvement d’assouplissement des critères engagé par la DITP au fil des appels à projets et des années, à la fois pour réorienter le FTAP moins vers la rentabilité économique que vers l’amélioration de l’action publique, mais aussi pour ne pas décourager les candidatures, comme le confiait un bon connaisseur des rouages du FTAP à Acteurs publics. La DITP a d’ailleurs fini par prendre le relais de la direction du budget sur la responsabilité budgétaire du FTAP en janvier 2021.
Rappelons que le FTAP avait été lancé par le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, avec l’ambition de moderniser l’action publique tout en générant des économies. Au fil des années, le critère des économies est descendu dans l’ordre des priorités et a été assoupli de telle sorte que des redéploiements d’emplois remplissaient l’objectif, en lieu et place des suppressions pures et simples. Et ce pour privilégier les projets porteurs d’améliorations tant pour les usagers que pour les agents, et donc les résultats.
Assouplissement des critères
Le cahier des charges pour 2022 a encore confirmé cette trajectoire, avec une “exigence accrue portée sur l’impact des projets en termes d’engagements et de résultats”. Un nouveau critère d’écoresponsabilité a été ajouté, mais la nature des dossiers éligibles a été élargie aux projets moins matures, nécessitant une phase de cadrage et d’expérimentation.
Toujours est-il que 10 projets ont été sélectionnés pour le moment pour 2022, sur seulement 13 candidats, contre 64 candidats en 2021 – le nombre de candidats étant néanmoins chaque année plus importante au second semestre –, 65 en 2020, 57 en 2019 et surtout 183 la première année, en 2018. On obtiendrait donc un taux de sélection record de 70 % pour 2022, contre 19 % en 2021 et 53 % en 2020.
Un an après, ce qu’a financé le plan de relance numérique des ministères
Difficile de déterminer si le faible nombre de lauréats tient au meilleur ciblage des dossiers de candidature, à un essoufflement des administrations ou à l’éclatement des sources de financement avec le plan de relance. Quoi qu’il en soit, il reste moins de quatre mois à la DITP pour écouler 40 millions d’euros. Mais elle peut déjà se rassurer sur un point : une nouvelle enveloppe – au montant inconnu – sera bien proposée au Parlement pour 2023.
ACTEURS PUBLIE: article publie le vendredi 23 septembre 2022 & EMILE MARZOLF