FINANCES LOCALES
Dérapage des finances publiques : les collectivités pointées du doigt
Dans des documents transmis au Parlement, Bercy sonne l’alerte sur un nouveau risque de dérapage budgétaire et pointe notamment une “augmentation extrêmement rapide” des dépenses des collectivités qui pourrait, “à elle seule”, aggraver le déficit de 16 milliards d’euros. Les ministres Bruno Le Maire et Thomas Cazenave regrettent de ne disposer d’“aucun levier activable en cours d’année” pour faire contribuer les collectivités à l’effort de redressement des comptes publics.
Le prochain gouvernement est prévenu : il y a alerte rouge sur l’état des finances publiques. Dans des documents budgétaires transmis ce lundi 2 septembre au Parlement, Bercy alerte en effet sur des “aléas très forts” et un probable nouveau dérapage des finances publiques et un déficit public qui pourrait être plus important que prévu en 2024. À savoir 5,6 % contre les 5,1 % initialement prévus cette année. Une équation qui pourrait compliquer encore plus les débats budgétaires de cet automne autour du budget 2025.
Pour résorber cette hausse, 16 milliards d’euros d’économies seraient nécessaires selon le ministre démissionnaire de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire. Le tout après les 25 milliards d’euros “d’efforts de gestion” et d’économies déjà décidés en 2024 par le gouvernement Attal. “Les trajectoires confirment l’absolue nécessité de poursuivre la politique volontariste de réduction du déficit public et de tenir une ligne de grande fermeté sur tous les volets de la dépense”, expliquent Bruno Le Maire et le ministre démissionnaire délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, dans un courrier adressé aux présidents des commissions des finances et aux rapporteurs généraux du budget à l’Assemblée nationale et au Sénat.
“La dynamique naturelle des dépenses publiques est telle qu’il est impératif de continuer de prendre chaque année de nouvelles décisions d’économies pour ne pas laisser le déficit dériver, abondent-ils comme un avertissement aux ministres qui leur succéderont. Seule la poursuite de cette politique volontariste de maitrise des comptes publics nous permettra de maitriser notre trajectoire de déficit public.”
Augmentation “extrêmement rapide” des dépenses locales
Cette dégradation de la situation des finances publiques est le résultat de deux imprévus. Des recettes moindres qu’espérées tout d’abord, notamment en matière de TVA. Déjà abaissées de près de 30 milliards d’euros au printemps, les prévisions de recettes fiscales (TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) pourraient même être encore moins élevées que prévu “compte tenu de l’évolution de la composition de la croissance moins favorable aux recettes fiscales”, redoutent Bruno Le Maire et Thomas Cazenave.
Pour les ministres, surtout, le “risque principal” cette année “est lié à une augmentation extrêmement rapide” des dépenses des collectivités. Cette hausse “n’a pu être confirmée que fin juillet” et “pourrait à elle seule dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros par rapport au programme de stabilité 2024-2027”, expliquent-ils. Le déficit des collectivités pourrait ainsi dépasser les 10 milliards d’euros en 2024 contre 5,5 milliards en 2023.
Les locataires de Bercy assurent toutefois avoir été “conscient de ce risque” et mettent en avant le Haut Conseil des finances publiques locales lancé à l’automne 2023. Ils assurent aussi avoir proposé dans ce cadre des “mesures de correction” de la hausse des dépenses locales. Celles-ci, néanmoins, n’ont pas pu être mises en œuvre en raison de l’opposition des élus locaux.
“Aucun levier activable”
“L’État ne dispose d’aucun levier activable en cours d’année pour faire participer les collectivités à l’effort de redressement des comptes publics”, regrettent ainsi aujourd’hui Bruno Le Maire et Thomas Cazenave.
Un constat qui rejoint celui dressé par la Cour des comptes en juillet dans son rapport sur les finances locales où la Rue Cambon pointait une participation “incertaine” des collectivités au redressement des finances publiques, faute notamment d’outils adéquats pour les mettre effectivement à contribution. Certes, un dispositif de limitation des dépenses des collectivités avait bien été mis en place récemment par l’équipe Macron : les contrats financiers dits de Cahors, institués en 2018. Ce mécanisme contraignant avait été abandonné en raison de la crise sanitaire et n’avait pas été remis en place depuis lors, au vu notamment des fortes réticences des associations d’élus locaux.
Un autre levier pourrait être mobilisé, estimait la Cour des comptes, celui de l’encadrement de l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié de leurs recettes de fonctionnement et d’investissement, soit quelque 150 milliards d’euros en 2023, notamment sous la forme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). L’actionnement d’un tel levier resterait très sensible, si l’on en juge par l’expérience passée de la baisse très critiquée de 11 milliards d’euros de la DGF intervenue sous le quinquennat de François Hollande qui, certes, a fait baisser les dépenses de fonctionnement des collectivités, mais aussi leurs dépenses d’investissement…
acteurs publics : article publie le mardi 03 septembre 2024 & Bastien Scordia
Villes de France dénonce des “mises en cause injustifiées” des collectivités
Dans un communiqué diffusé ce mardi 3 septembre, l’association “Villes de France” dit avoir pris connaissance “avec stupéfaction” des propos tenus par les ministres démissionnaires Bruno Le Maire et Thomas Cazenave sur la situation budgétaire. Des propos qui “mettent à la charge exclusive des collectivités la dérive budgétaire de la Nation”, regrette l’association en demandant ”que cessent ces mises en cause injustifiées” des collectivités. “Ce qui serait déjà, en temps normal, une accusation sans fondement, dès lors que les budgets des collectivités doivent légalement être votés en équilibre, devient dans la période actuelle problématique”, poursuit-elle en pointant l’absence d’interlocuteur gouvernemental depuis la démission du gouvernement Attal “pour rétablir les faits”.