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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

GESTION RESSOURCES HUMAINES

7 Novembre 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

La question de la rémunération des fonctionnaires fait débat chez les chercheurs

C’est une petite musique que l’on entend depuis… un siècle. Celle de savoir si le sens de l’histoire est d’aller vers toujours moins de fonctionnaires, et moins bien payés. Une question sur laquelle se sont penchés universitaires et chercheurs à l’occasion d’un colloque organisé à Sciences Po le 4 octobre.

“Rémunération et pouvoir d’achat, mise en perspective et pas de côté”, tel était le thème de rentrée des “Dialogues autour de la fonction publique”, organisés vendredi dernier à Sciences Po Paris. Un espace d’échanges qui entend notamment faire le lien entre le monde de la recherche et celui de la fonction publique. Un thème d’autant plus intéressant qu’il s’invite au cœur de l’actualité.

À l'heure de la présentation du budget et alors que la Cour des comptes préconise la suppression de 100 000 postes d’agents territoriaux, une question se pose. Comment la rémunération des fonctionnaires est-elle appréhendée dans les dépenses de l’État et pourquoi est-elle avancée en premier lieu et de manière cyclique par les gouvernements successifs pour faire des économies ?

Pour répondre à ces questions, Émilien Ruiz, historien spécialiste de la fonction publique, a souhaité étudier autant les dépenses de personnel dans le budget de l’État que les variations de leur pouvoir d’achat depuis le début du XXe siècle.

Et premier constat plutôt significatif : “le sujet a été très peu investigué”, estime-t-il. Si les sciences sociales s’y sont un peu intéressées, l’historien évoque un autre problème de taille : “une séculaire indisponibilité des sources” qui rend l’exercice compliqué. Les archives fournissent en effet peu d’éléments sur le traitement global des fonctionnaires, quelques travaux peuvent néanmoins être trouvés çà et là, ministère par ministère.

Le pouvoir d’achat décorrélé du point d’indice

Si l’on se concentre sur la période moderne qui, sans faire de politique-fiction, peut permettre de dégager une tendance sur les politiques à venir, l’historien met en avant une importante modification des conditions de rémunération des agents publics depuis le début des années 1990 avec un point saillant : la progression du pouvoir d’achat ne repose plus sur la revalorisation du point d’indice mais sur les évolutions de carrières, les primes ou encore les mesures catégorielles. “Un constat qui permet aussi de comprendre pourquoi les organisations syndicales et les pouvoirs publics sont en désaccord sur ce que l’on peut attendre des décisions gouvernementales en matière salariale”, relève Émilien Ruiz.

Les salaires baissent dans la fonction publique sous le poids de l’inflation

Le pouvoir d’achat des agents publics a baissé de 25 % entre 1996 et 2023, ce qui ne veut pas dire que les salaires ont reculé de 25 %, mais cela confirme que les salaires évoluent de façon contradictoire par rapport à l’évolution du point d’indice qui, lui, a augmenté. Une évolution contradictoire également soulignée par Gaël de Perretti, sous-directeur des études, des statistiques et des systèmes d’information à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), qui précise que “l’inflation a pris le pas sur la valeur du point d'indice depuis le milieu des années 2010. Le changement de corps ou l'évolution des grilles rend les comparaisons difficiles, la grille n'étant plus qu'une partie de la rémunération”.

Les travaux d'Émilien Ruiz ont aussi amené à proposer une chronologie de ce qu’ont pu être les politiques de pouvoirs d’achat depuis un siècle. “L’affirmation selon laquelle, il y aurait, en France, trop de fonctionnaires mal payés, le grand slogan de Nicolas Sarkozy en 2007, est un slogan que l’on reprend depuis un siècle, constate-t-il. La question de savoir si l’on se dirige vers des fonctionnaires moins nombreux et moins bien payés s’est posée tout au long du XXe siècle.”

Si l’on se concentre à nouveau sur la période moderne, les travaux du chercheur montrent que la maîtrise des dépenses de personnel a démarré à la fin des années 1970 et les analyses de l’OCDE confirment que la France n’est pas la seule à entrer dans une période de sobriété salariale pour les administrations publiques à cette époque. A suivi, à partir des années 2000, la réduction des effectifs de l’État, surtout entre 2007 et 2012.

Autre phénomène important entre 2011 et 2021, la baisse du nombre et de la proportion de fonctionnaires et la hausse de la part des contractuels. La maîtrise des dépenses de personnels a donc bel et bien pris le pas sur celle du pouvoir d’achat au fil des années. C'est un sujet sur lequel les syndicats de fonctionnaires restent d’ailleurs très mobilisés dans un contexte où le fossé entre le coût de la vie et la rémunération des fonctionnaires ne cesse de se creuser.

Le mérite comme objet de légimitation

La question du mérite, également au cœur de l'actualité de la fonction publique, était aussi à l'ordre du jour du colloque, notamment à travers l'intervention d’Élise Penalva-Icher, professeur de sociologie à Dauphine, qui a publié, au printemps dernier, l'ouvrage La Frustration salariale, à quoi servent les primes ? dans lequel elle questionne notamment la légitimation des collaborateurs par le mérite. Une analyse qui porte, certes plus particulièrement sur le secteur privé, mais dans laquelle on retrouve les mêmes débats qui ont actuellement cours autour de la rémunération au mérite dans la fonction publique.

“Le problème réside dans la mise en pratique du mérite et de la manière de le définir, développe Élise Penalva-Icher. On se rend compte qu’il y a peu de rejet du principe même du mérite, mais beaucoup de rejet dans sa mise en application.” Une question qui ne manquera pas d'occuper Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction publique, de la Transformation et de la Simplification de l’action publique, qui a commencé à échanger avec les syndicats cette semaine.

ACTEURS PUBLICS : article publie le jeudi 10 octobre 2024 & Marie Malaterre

 

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